Comment ça, « l’asexualité c’est un spectre » ?

L'asexualité est trop souvent mal connue, et ne se résume pas à un dégoût de la sexualité. Meden nous explique tout le spectre des expériences humaines qui se retrouve sous ce terme parapluie.

Si vous n’avez jamais entendu parler d’asexualité, vous imaginez probablement que ça concerne des gens qui ne ressentent pas de désir et n’aiment pas le sexe ; des gens frigides, hermétiques à toute intimité physique, dégoûtés par ça, même ! C’est l’idée de base qu’on s’en fait généralement.

Si, en côtoyant des milieux queers, vous êtes tombé·e sur un contenu militant asexuel, vous avez peut-être entendu cette phrase (ou quelque chose comme ça) :

« L’asexualité, c’est un spectre, et chaque expérience est différente. »

Mmh.

Ok.

Trop cool.

Mais… ça veut dire quoi ? Concrètement ?

On imagine que, comme le genre, ce n’est peut-être pas binaire ? Peut-être que ce n’est pas « soit on est Normal, soit on a pas de désir ni de vie sexuelle » ? Mais où se trouvent les nuances de ce spectre ? Et qu’est-ce qui fait qu’on y appartient ou pas ?

Dans cet article, je vous propose quelques perspectives, quelques notions pour réfléchir à tout ça.

Vous y trouverez :

  1. Quelques notions à distinguer

  2. En quoi elles peuvent varier dans le spectre asexuel

  3. À quoi ça sert de s’identifier dans ce spectre

  4. Du vocabulaire spécifique au spectre asexuel, c’est cadeau

Avant de commencer : j’utiliserai dans cet article l’adjectif « ace » : il vient de l’anglais et est le diminutif de « asexual », qui signifie « asexuel·le » (en plus, « ace » c’est le mot anglais pour « as », donc c’est cool et valorisant ) ! Donc, « personne ace » = « personne asexuelle ».

1. Facteurs de la vie sexuelle : quelques notions à définir

Pour définir le spectre asexuel et la diversité de ses expériences, ce qui m’est le plus pertinent est de revenir aux différents facteurs de l’attirance et de la sexualité. Chez la plupart des gens, ces facteurs vont ensemble, donc à quoi bon les différencier ?…

Mais pour certaines personnes, les curseurs varient, donc ça devient pertinent d’y mettre des mots pour trier un peu tout ça.

Sans plus de suspense, passons par quelques définitions que j’ai à vous proposer.

Dans notre rapport au sexe, distinguons quatre facteurs. Pour la majorité des gens, ils vont un peu ensemble, mais ici distinguons-les :

  • Le désir : c’est l’excitation sexuelle, le phénomène purement corporel qui fait que le sang se redistribue, les organes génitaux s’activent, etc. à l’idée de faire du sexe ; c’est la tension sexuelle qui donne, peut-être, envie d’être soulagée par du plaisir sexuel.

    • Pour la plupart des gens, ce phénomène existe naturellement : généralement apparaît à la puberté, peut apparaître spontanément ou face à des stimuli sensuels/sexuels, ça varie d’intensité mais bon voilà, c’est là.
  • La libido : c’est la fréquence du désir dans un quotidien.

    • Chez les personnes « allosexuelles » (pas asexuelles), bien sûr la libido fluctue au cours de la vie, au cours des relations, en fonction du stress du quotidien, de la santé mentale et physique, de l’alimentation et de la médicamentation, cependant c’est plutôt présent dans la vie ; même quand il y a une baisse de libido c’est généralement pas assez durable et notable pour définir tout le rapport d’un individu à sa sexualité.
  • L’attirance : c’est la direction du désir : ce qui fait qu’une personne ou un type de personne peut générer du désir, et qu’on ait envie de soulager quelque tension sexuelle avec.

    • Peu importe vers quel(s) type(s) de personnes c'est dirigé, l’idée de l’orientation sexuelle c’est bien que l’attirance est dirigée vers une destination !
  • Le sexe : parce que c’est finalement rien de plus qu’une activité, qu’on aime faire ou non.

    • Soyons honnêtes, la majorité des gens a minima veulent expérimenter ça dans leur vie, y pensent généralement régulièrement, et c’est globalement considéré comme une activité très souhaitable. De sorte que c’est difficile de passer une journée (en société) sans en entendre parler d’une façon ou d’une autre.

L’importance de distinguer ces facteurs, c’est justement parce que l’expérience sexuelle majoritaire confond un p’tit peu tout ça — en tout cas, ces quatre choses allant de pair et s’exprimant plutôt régulièrement dans le quotidien, on ne ressent pas le besoin d’y réfléchir de trop.

2. « Add a little bit of… spice » : curseurs à tous les étages et vécus minoritaires

L’expérience asexuelle commence là où un rapport spécifique à l’un ou plusieurs de ses facteurs s’installe.

  • Pour le désir

    • Eh bien certaines personnes n’en ressentent pas, ou à très basse intensité. Leur corps n’est tout simplement pas enclin à sentir cette chaleur de bas-ventre qui obsède nos sociétés, c’est comme ça !
  • Pour la libido

    • Certes il est absolument sain qu’elle fluctue pour tout le monde, mais parfois, elle est naturellement au ras des pâquerettes et c’est une raison déjà largement légitime à se reconnaître dans l’expérience asexuelle.
  • Pour l’attirance

    • Parfois, des gens expérimentent du désir, même régulièrement dans leur vie, pour autant ce désir n’est dirigé vers personne en particulier ; c’est une réaction corporelle, mais qui n’est pas associée à tel type de corps ou tel type de dynamique relationnelle. Alors, on peut considérer comme l’asexualité comme une orientation sexuelle en soi !

    • Et parfois, l’attirance ne se met en place que sous certaines conditions (par exemple chez les personnes demisexuelles, l’attirance ne pointe le bout de son nez que quand iels construisent une certaine connexion émotionnelle avec quelqu’un — iels ne désirent pas quelqu’un juste après avoir vu une paire de fesses) ; l’asexualité est alors compatible avec une autre orientation sexuelle (lesbienne demisexuelle, hétéro asexuel·le, pansexuel·le, aceflux, etc.) !

    • Les types d’attirance : je crois qu’on peut s’accorder à dire qu’on peut être attiré·e de pleins de façons différentes. On peut être attiré·e sexuellement sans être attiré·e sentimentalement, n’est-ce pas ? Alors pourquoi pas l’inverse ? Ou pourquoi pas d’autres façons d’être attiré·e ? On peut être attiré·e sans désir, mais sans vraiment être amoureuxe non plus, alors dans ce cas, on est attiré·e comment ? Pas de panique, la communauté asexuelle vient à votre rescousse ! Il y a tout un tas de petits termes qui naissent pour parler des attirances qu’on peut avoir (et même si vous n’êtes pas ace, je suis à peu près sûre que vous verrez de quoi je parle). Voici quelques-uns de ces termes, ceux que je connais et suis en mesure de vous présenter (ils ne sont pas incompatibles entre eux, mais peuvent être isolés ; oh, et ils n’impliquent pas forcément des souhaits de relations amoureuses ou sexuelles) :

      • L’attirance sexuelle : oui bon ça on a compris, c’est l’attirance qui excite sexuellement et donne envie de coucher avec quelqu’un.

      • L’attirance sentimentale/romantique : J’imagine que vous avez aussi l’idée ? Si vous avez un doute, demandez à l’écrasante majorité des chansons, romans, films, ou juste des pubs de parfum.

      • L’attirance émotionnelle : C’est se sentir attiré·e par la personnalité, les valeurs, les caractéristiques intérieures, émotionnelles de quelqu’un. Se sentir reconnu·e, inspiré·e, ressourcé·e par les qualités émotionnelles de quelqu’un.

      • L’attirance sensoriellesensual attraction » en anglais) : Ah-ha ! Ma préférée, j’ai adoré découvrir ce terme. Imaginez : de l’attirance sexuelle, mais en vrai, on s’en fiche un peu de faire du sexe. Vous avez déjà, étant avec quelqu’un, été pris de l’envie de partager du contact physique, tout simplement ? Ressenti de l’aisance particulière à partager de l’intimité physique avec quelqu’un ? C’est ce mot-là qui est posé pour parler de ces envies de prendre dans ses bras, de caresses, de bisous, de se laisser porter par le parfum de quelqu’un, de partager de la tendresse, voire même de la sensualité… sans spécialement vouloir du partage sexuel ! Eh ouais. C’est possible. Et c’est trop bien.

      • L’attirance esthétique : Et est-ce que vous avez déjà rencontré une personne que vous trouvez tellement belle que ça vous captive, un peu ? Vos yeux ont envie d’aller dans sa direction, sa présence attire votre attention, parce que juste, cette personne donne un spectacle à voir qui fait éclater un petit quelque chose d’émerveillé à l’intérieur de vous… mais sans impliquer quelque envie d’intimité ni relation particulière. J’ai entendu bien des personnes ace avoir eu un déclic en découvrant ce terme, car iels ont réalisé que… « ah mais attends… c’était donc pas seulement ça, l’attirance sexuelle ? ». Parce que oui, on peut avoir un « wow ! » esthétique envers quelqu’un, sans que notre corps ni notre esprit ne veuille en faire quelque chose de sentimental ou sexuel. C’est toujours intéressant de mettre un mot dessus.

      • Il y en a d’autres évidemment, mais je vais m’arrêter là pour cet article ! Vous en connaissez d’autres ? Sinon, je vous invite à poursuivre vos recherches par vous-mêmes ! ;)

      • L’idée de ces termes, c’est qu’on peut être en mesure de ressentir de l’attirance, même sans désir.

  • Pour le sexe

    • Il faut comprendre que quelqu’un d’asexuel n’est pas quelqu’un dont le système nerveux est cassé : on peut tout à fait être asexuel·le et avoir des organes du plaisir au top, et donc prendre du plaisir sexuel. La question, c’est : est-ce qu’on apprécie de faire ça ou pas ? (Avec quelqu’un et/ou tout·e seul·e ; on peut être *ace *et se masturber hein, ça n’annule pas l’asexualité !)

    • En effet, peu importe ce qu’on ressent en amont, ça reste une activité, qu’on aime ou qu’on aime pas ! On peut très bien trouver dans une activité sexuelle autre chose que le soulagement d’une tension sexuelle (accessoirement, c’est une activité où on trouve du contact physique comme on en trouve pas beaucoup ailleurs, c’est une façon spécifique et intense de se connecter émotionnellement avec quelqu’un, ça détend et régule le système nerveux… Bref, il y a plein de raisons d’aimer le sexe même si on est pas excité·e). À ce sujet, face aux gens qui sont septiques à l’idée de faire du sexe sans ressentir de désir, je leur demande : mmh, parce qu’à chaque fois de votre vie que vous avez mangé un carré de chocolat, c’est parce que vous aviez faim ? … On est d’accord. Je vous laisse méditer là-dessus.

    • La communauté asexuelle anglophone a créé des termes pour parler spécifiquement des attitudes qu’on peut avoir vis-à-vis du sexe sans impliquer le rapport aux autres facteurs (désir/libido/attirance). De celles dont je peux vous parler, il y a des termes concernant des attitudes globales concernant le sujet :

      • Sex-positive : comme le mouvement du même nom qui met en avant la sexualité comme un sujet de santé publique et qui éduque au plaisir et au consentement, une personne sex-positive est d’avis que c’est tout à fait sain de vouloir du sexe dans sa vie et de le mettre en place ; on notera que ça ne signifie pas forcément que cette personne a envie d’en avoir pour ellui, mais iel encourage la démarche d’entretenir un rapport sain à sa sexualité.

      • Sex-neutral : pas d’avis particulier sur la question, les gens font ce qu’ils veulent *hausse les épaules* : vous avez l’idée.

      • Sex-negative : l’inverse de sex-positive : il s’agit plutôt d’une attitude globalement désapprobatrice vis-à-vis de la sexualité.

    • Et puis il y a des termes qualifiant le rapport très personnel qu’on a avec l’idée de concrètement, faire du sexe :

      • Sex-favorable : plutôt transparent comme terme, il s’agit de quelqu’un qui est tout à fait favorable au partage sexuel.

      • Sex-indifferent : « Coucher, ou ne pas coucher ? Telle est la question… à laquelle je n’ai pas de réponse en particulier. » L’idée de quelqu’un de sex-indifferent, c’est qu’iel ne voit pas forcément d’intérêt à aller quérir du partage sexuel, par contre si par exemple iel est en relation avec quelqu’un en qui iel a confiance, qui apprécie ça et avec qui ça pourrait être un chouette moment de connexion, ben pourquoi se priver ?

      • Sex-repulsed : C’est l’idée d’être rebuté à l’idée de partager de la sexualité. Peu importe la raison, c’est un ressenti qui peut être suffisamment significatif pour être posé et poser une limite sur le niveau d’intimité physique qu’on est prêt·e à accorder ! =)

      • Sex-ambivalent (ou sex-conflicted) : Ça arrive de ne pas être aussi constant que ça, et de ne pas avoir tous les jours la même attitude concernant l’idée du sexe ou l’idée de faire du sexe : c’est là que l’on peut se définir sex-ambivalent. Par exemple, on peut être sex-positive, jusqu’à parfois y être plutôt favorable, mais avoir des périodes plutôt sex-repulsed, pour diverses raisons, ou alors être plutôt généralement indifférent mais avoir quelques pics où on y est favorable… etc. !

      • Il y en a sans doute d’autres, mais ceux-ci sont les termes que j’étais en mesure de vous présenter !

3. « Mais c’est normal que ça fluctue » : quel intérêt de s’identifier dans ce spectre ?

Ah-ha ! Oui je vous vois venir hein.

Si la libido ça fluctue pour tout le monde, et si le sexe c’est ok de pas aimer ça, et si les facteurs d’attirances sont différents pour chacun·e, alors qui est vraiment asexuel·le ? Qui ne l’est pas ? Pourquoi toujours vouloir inventer des nouvelles boîtes dans lesquelles mettre les gens ? Est-ce qu’on doit se considérer ace parce qu’on a un rapport peu conventionnel à l’un des facteurs cités ? C’est quoi l’intérêt de tout ça, alors qu’il suffirait de se dire que c’est ok d’avoir son propre rapport aux choses ? Pourquoi il faut toujours qu’on en fasse tout un pataquès ? (Ah oui oui, je dis les mots, ça déconne plus.)

Euh, déjà, mollo.

Et ensuite, ben, en fait, ça dépend du vécu de chacun·e. Il y a un intérêt à s’identifier dans ce spectre, quand on y voit un intérêt.

Oui, parfois, avoir un rapport spécifique à l’un des facteurs dont je vous ai parlé, ça n’a pas tellement d’importance. On peut le poser comme un fun fact, « ah au fait, je fonctionne comme ça », et puis c’est bon.

Mais parfois, nos critères spécifiques le sont suffisamment pour avoir un impact significatif sur notre façon d’évoluer en société. Certaines personnes trouveraient ça totalement normal, de n’être attiré·e que par des gens dont on se sent proches. D’autres personnes vivraient dans un décalage très régulier avec leur entourage et auraient du mal à comprendre et faire respecter leur… leur… demisexualité. Ah… Parce qu’alors, mettre un mot dessus, ça permet d’en parler. De poser ses limites. De se sentir légitime de ressentir ce qu’on ressent, d’être reconnu·e dans notre fonctionnement.

Parfois on a une libido basse et on s’en fiche, et parfois on a une libido naturellement basse et l’entourage (en particulier les partenaires sexuels) peinent à le comprendre et à le respecter, y réfléchissent comme à un problème, jusqu’à ce qu’on pense avoir un problème, jusqu’à ce qu’on pense être cassé·e. Interagir avec les mots de l’asexualité, ça peut servir à créer une bulle où l’on apprend à se reconnaître, et se dire que nos limites sont de bonnes limites, que nos envies et nos non-envies sont saines.

Et bien sûr, ce sont des mots très « propres », de parler de partenaires qui « peinent à comprendre et à respecter l’asexualité », mais vraiment ce que ça sous-tend, c’est un risque de violences sexuelles. On sait qu’on est collectivement pas au point sur le consentement, à échelle de société. Même pour des gens qui s’adonnent avec joie à la sexualité. Alors imaginez avoir des réticences. Imaginez ressentir des « non » fermes, là où mille injonctions par jour nous laissent entendre qu’on devrait ressentir des « je veux ». Imaginez que vos préférences soient systématiquement considérées comme des contraintes. Imaginez la pression à adapter des « non » qui ne devraient pas être trépassés, parce que le deal d’une relation amoureuse, c’est bien d’avoir du sexe, non ? Imaginez devoir défendre vos « non » bec et ongles à chaque relation intime, parce que vous savez qu’ils seront contestés, vos « non », et vous savez que vous allez devoir négocier des limites qui ne devraient pas l’être, et qu’il faudra vous battre pour ne pas vous faire dépouiller… enfin, si vous avez la solidité de vous battre.

Et, encore une fois, on sait qu’on est pas au point collectivement en matière de consentement, donc je sais ce ces vécus-là ne seront pas étrangers, notamment aux femmes et autres personnes afab, même allosexuel·les, qui liront ces mots. On a le droit de choisir sa sexualité. Et on a le droit de ne pas la choisir.

Oh et tout ça, c’est sans compter la discrimination en-dehors des partenaires sexuels aussi, bien sûr. Être jugé·e « prude » ou « coincé·e », parce que c’est quand même pas très drôle quelqu’un qui fait pas de blagues de cul, par vrai ? Être infantilisé·e parce qu’après tout le sexe c’est un truc d’adulte, et si ça t’intéresse pas, c’est que t’es pas vraiment adulte. Devoir supporter tous les jours des blagues, des références, des fantasmes, des histoires d’un sujet qui ne vous met pas à l’aise. Et puis susciter la condescendance par-dessus ça, parce qu’encore une fois, rôh allez c’est marrant quoi. Vivre dans la crainte d’être seul·e, parce que d’autres n’arrivent pas à comprendre quelque chose d’aussi con que des limites propres à l’intime. Bon, vous avez compris.

Si c’est une thématique qui revient souvent pour soi, dans laquelle on s’identifie fortement, alors il est sain de s’y intéresser, et d’aller l’apprivoiser.

Si des mots nous permettent d’asseoir des limites qui nous ressemblent et qui ne sont pas assises autrement, alors il est bon de se les approprier.

Et donc, il y a ces mots.

Il y a des étiquettes (asexuel·le, a-spec, demisexuel·le, grissexuel·le, aceflux…), des sous-étiquettes (cupiosexual, aegosexual, reciprosexual, ace-spike, fox pan, pfiou c’est niche tout ça), où l’on peut se voir comme dans des miroirs et ensuite, si on veut, les brandir en étendard.

Ou alors, si on a pas envie de poser un mot qui conditionnerait tout notre rapport à tout ça, on peut juste y réfléchir par curseurs et conditions, avec des facteurs comme ceux dont je parlais plus tôt (niveaux de libido, vocabulaires d’attirances, attitudes face à la sexualité…).

Tout dépend de ce qui a besoin d’être dit. Tout dépend de si notre besoin réside dans l’appartenance, ou dans l’affranchissement. Dans la reconnaissance de soi, ou dans l’exploration. Dans la sécurité, ou dans la liberté. Tout dépend de comment on a besoin d’exister, là maintenant.

Aussi, ma posture, c’est de penser ceci : « Si te considérer ace, ça a du sens pour toi, alors tu es légitime à te considérer ace. »

Si ça te permet de mieux te comprendre. Mieux t’explorer. Mieux t’écouter. Mieux te respecter. Mieux te faire respecter. Mieux t’expliquer. Mieux relationner. Mieux faire l’amour, aussi, si tu veux. Mieux vivre.

Vas-y.

Et si ça te semble insignifiant ? Ben, vas-y pas, tu n’as aucune obligation à t’appliquer des étiquettes qui t’encombrent !

Ces mots sont là si tu as besoin d’eux.

4. Présentation non exhaustive d'étiquettes asexuelles

Alors, justement, présentons-en quelques-uns, de ces mots !

Vous capterez très vite que beaucoup des termes qui naissent petit à petit naissent en anglais, et sont rarement traduits. Je vous mets les traductions françaises que j’ai vues exister, et pour le reste, je le laisse en anglais, en italique.

  • Demisexuel·le : Quelqu’un qui ne ressent de l’attirance sexuelle pour quelqu’un d’autre qu’après avoir formé une connexion émotionnelle et/ou romantique avec cette personne. Comprenez bien que ce n’est pas « prendre la décision de coucher avec quelqu’un que quand on lae connait bien » : la demisexualité n’est pas un choix, elle reflète des conditions spécifiques à l’attirance sexuelle.

  • Grissexuel·le : Quelqu’un qui ne ressent de l’attirance sexuelle que rarement dans sa vie, et/ou à faible intensité, mais ce n’est pas inexistant. (Ça peut prendre la forme d’une libido très basse, ou alors de la libido mais pas d’attirance envers qui que ce soit, par exemple.) Certaines personnes grissexuelles ne ressentent peut-être de l’attirance sexuelle qu’une ou deux fois dans leur vie, d’autres plus souvent, mais ça reste significativement moins présent dans leur vie que la plupart des gens.

  • Aceflux : Quelqu’un qui a des facteurs de sexualité qui changent régulièrement mais qui restent majoritairement dans le spectre asexuel. Les gens aceflux peuvent s’identifier d’un bout à l’autre du spectre, en fonction des périodes. Certaines personnes aceflux peuvent même se sentir allosexuel·les de temps à autre !

  • A-spec (ace-spec, aspec ; ça vient de « asexual spectrum », donc « spectre asexuel ») : Quelqu’un qui s’identifie dans le spectre asexuel, sans en spécifier davantage. C’est aussi ok ! ;)

  • Caedsexual (ou caedosexual) : Quelqu’un qui s’est identifié·e allosexuel·le par le passé mais se situe maintenant dans le spectre asexuel suite à un traumatisme. Eh oui : peu importe d’où vient le vécu asexuel qui nous accompagne, il est légitime. Rien n’empêche d’apprivoiser les termes de l’asexualité pour trouver de la paix avec soi-même et son intimité physique, même si ça vient d’un syndrome de stress post-traumatique, et même si ça finit par évoluer au cours de la vie. Alors, attention à ne pas invalider l’identité ace d’autrui façon « mais t’es pas ace, t’es juste trauma » : chacun·e son chemin, c’est légitime d’être ace et trauma, voire même ace parce que trauma, et c’est même légitime de ne s’identifier asexuel·le que pendant une période de sa vie (mais ça, ça mériterait presque un article à part entière !)

  • Cupiosexual : Quelqu’un qui souhaite de la sexualité pour soi, même sans spécialement ressentir d’attirance sexuelle. Une personne demisexuelle qui commence une relation amoureuse/sexuelle en sachant qu’elle ne développera d’attirance que plus tard peut se considérer cupiosexuelle. Une personne freysexual qui continue d’entretenir une relation amoureuse/sexuelle après avoir perdu son attirance première peut se considérer cupiosexuelle. Ou juste quelqu’un qui ressent pas ou peu d’attirance dans sa vie, ou n’a pas ou peu de libido, mais qui trouve que bon, c’est quand même chouette le sexe. Ce sont des personnes dites « sex-favorable ».

  • Freysexual : Quelqu’un qui ne ressent de l’attirance sexuelle que pour des personnes qu’iel ne connait pas très bien ; l’attirance disparaît à mesure qu’iel forme une connexion émotionnelle ou romantique avec quelqu’un. Un peu l’exact inverse des demisexuel·les.

  • Aegosexual : Quelqu’un qui ressent une séparation entre soi-même et l’objet de son désir (j’explique). Il peut s’agit de quelqu’un qui a du désir, de la libido, des fantasmes et pensées sexuelles, qui consomme des contenus érotiques/pornographiques et se masturbe, sans pour autant ressentir de l’attirance ni une quelconque volonté de partager de la sexualité avec qui que ce soit. Iels préfèrent par exemple imaginer la sexualité vue de l’extérieur, ou s’en tenir à la fiction et/ou la sexualité en solo.

  • Fox pan (aussi, squirrel bi, bambi gay/lesbian, rat ace ; vous l’avez compris, le terme dépend de l’orientation sexuelle à laquelle on s’identifie : j’ai mis fox pan en premier parce que c’est mon petit préféré mais il n’y a pas d’ordre de valeur) : Quelqu’un qui préfère les câlins, caresses, bisous/baisers et même la sensualité non sexuelle aux activités sexuelles elles-mêmes. Parce que oui, on peut être ace et adooorer être tactile et tendre ! ^.^ (On peut être ace et être très kinky aussi et pas particulièrement tendre, mais là n’est pas la question.)

Ce que j’aimerais qu’on retienne de cet article ?

Que quand quelqu’un vous confie être asexuel·le, cela peut vouloir dire tant de choses, et être la porte ouverte à comprendre avec richesse le vécu de cette personne !

Alors je pense que si quelqu’un vous confie qu’iel est asexuel·le, alors une très belle chose à faire, c’est de lae remercier de confier ça, et de demander quelque chose comme : « Est-ce que tu es d’accord de me partager comment ça s’exprime pour toi ? »

En tout cas, si mon article vous permet de nourrir de la curiosité pour des vécus minoritaires et peu reconnus que sont les vécus du spectre asexuel, c’est avec grand plaisir !

Pour aller plus loin…

Si vous voulez explorer des définitions, conseils, pensées introspectives et militantes sur les spectres asexuel, aromantique et identité agenre, je vous conseille grandement le contenu de « Ace Dad Advice », disponible sur YouTube, TikTok et Instagram sous ce nom ! Ayant fait son coming out asexuel autour de sa quarantaine et coming out agenre plus tard encore, iel a des pensées intéressantes sur la question de ces identités à des âges variés et offre des points de vue précieux et inclusifs qui permettent de contrer le scepticisme d’autrui face à ces identités !

Et pour ce qui est des étiquettes et microétiquettes, je m’amuse personnellement à me perdre dans les arborescences de termes du lgbtqia.wiki que voici : https://lgbtqia.wiki/wiki/Category:Ace-spec_identity. C’est la source qui ratisse le plus large que j’ai pu trouver, parfois avec des microétiquettes qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, et ça donne une bonne idée de tous ces vécus existants qui ne demandent qu’à être reconnus et respectés comme tels ! (Disclaimer : il y a beaucoup de termes. Beaucoup. Pour des choses parfois très, trèèès spécifiques. Je vous invite à jeter un œil avec bienveillance, ou si vous voulez en rire, gardez ça pour vous ! )

Auteur·rice·x·s